Le deuil, loin d’être un simple chemin linéaire, et ce qu’il soit relationnel, amoureux, professionnel ou autres, se révèle être un processus complexe aux multiples dimensions : un processus à tiroirs imbriqués. Cette réalité, souvent méconnue, mérite notre attention pour mieux comprendre et traverser nos deuils et ruptures émotionnelles.
La nature plurielle du deuil
Traditionnellement, nous percevons le deuil à travers le prisme des cinq étapes de Kübler-Ross : déni, colère, négociation, dépression et acceptation. Cependant, l’expérience montre que cet outil reste une vision simplifiée, une carte de navigation dégrossie, qui ne capture pas l’essence même du processus. Toute eprsonne qui traverse ce processus ressent la confusion, un marasme d’émotions mélangées qui ne semblent pas conciliables, et l’intrication de multiples choses que l’on peut peiner à identifier et intégrer. C’est ce qui ralentit parfois le processus d’ailleurs. En réalité, le deuil se manifeste à travers plusieurs « courbes » distinctes qui évoluent plus ou moins simultanément et avec des liens de dépendances dans leur progression respective.
La courbe de deuil de la relation, la plus connue
La première dimension concerne la perte tangible : la fin de la relation elle-même, que ce soit avec un partenaire amoureux ou une personne décédée. C’est la disparition des rituels quotidiens, des projets communs, de cette présence qui structurait notre vie de façon plus ou moins importante. Cette courbe touche à notre identité même, car nous devons réapprendre à exister sans l’autre. Traverser cette courbe de deuil, c’est normalement se reconnecter à soi. Carl Jung parlait d’individuation, souvent associée à des crises existentielles ou identitaires. Les ruptures et deuils forgent ces crises le plus souvent. Claire Marin reprend également ce principe dans son ouvrage « Rupture(s) », montrant comment traverser une rupture permet cette reconstruction de soi, en apprenant à se (re)connaitre.
La courbe du deuil de la trahison, ou autre blessure (humiliation, rejet, abandon, injustice)
Plus insidieuse, cette dimension s’ancre dans la blessure de la confiance brisée et/ou notre identité également. Qu’il s’agisse d’une infidélité (réelle ou ressentie), d’un abandon ou rejet ressenti, cette courbe affecte profondément notre capacité à faire confiance, tant aux autres qu’à nous-mêmes. Elle peut aussi venir amplifier lourdement la courbe de deuil précédente, en posant la question de notre valeur, de notre estime de soi.
La courbe du deuil des illusions perdues
Cette dimension, subtile mais cruciale, concerne le deuil de nos projections, de nos attentes (par rapport aux autres ou plus généralement à la vie), de nos rêves et idéaux effondrés. Il s’agit d’accepter que la réalité n’ait pas correspondu à nos espérances, de lâcher prise sur l’idéal que nous avions construit. C’est souvent la courbe qui peut persister longtemps, notamment si nous sommes dans l’attetne d’une forme de réparation d’un préjudice et si nous nous nourrissons un ressentiment.
La courbe du deuil des éléments connexes
Cette courbe parle des pertes annexes qui selon les cas sont plus ou moins importantes : perte d’un statut social, d’un lieu de vie, d’un cercle social, de souvenirs attachés à un lieu, etc. Selon la violence et les blessures attachés à tus ce séléments, ce sont autant de courbes de deuil à traverser à des rythmes différents. Un cercle social qui nous tourne le dos, c’est une nouvelle blessure à traiter, en plus des autres et celle-ci apr exemple contribue fortement à notre identité également.
La transformation par le pardon
Le pardon émerge comme un élément clé de ce processus multidimensionnel. Non pas comme un effacement du passé, mais comme une libération intérieure. Pardonner, c’est se donner la possibilité d’aller de l’avant, non en oubliant, mais en transformant l’expérience en force créatrice. Cette notion est particulièrement complexe à intégrer. Le pardon survient au bout d’un moment ou ne survient pas. Ce n’est pas vraiement une décision. Il s’agit d’abord de digérer les émotions et d’être dans les phases d’acceptation de tous ces deuils dissimulés pour pouvoir l’envisager. Parfois le pardon est impossible car les émotions ne sont pas intégrées, comprises, digérées. Le contexte est également important. Si l’entourage n’est pas facilitant, les processus de deuil et de pardon sont d’autant plus longs.
L’individuation à travers l’ombre
Carl Jung nous enseigne que la traversée du deuil représente une opportunité d’individuation. En confrontant notre « ombre » – ces parts de nous-mêmes que nous préférons ignorer – nous accédons à une compréhension plus profonde de notre être. Cette rencontre avec nos zones d’ombre devient alors un catalyseur de transformation personnelle. Cette confrontation étant inconfortable, certains personnes pricilégieront l’évitement, le déni, la fuite en avant et ne s’embarrasseront pas vraiment des tas de poussière laissés sous le tapis… D’autres y feront face, et en ressortiront plus fort, avec une compréhension profonde et authentique de leur essence. Cette clé est importante pour ne pas reproduire indéfiniement des situations qui extérieurement peuvent sembler satisfaisantes, rassurantes, mais reposant sur des fondements fragiles et friables. Cette attitude qui peut paraitre plsu légère et confortable à court terme n’est pas exempte d’un risque de décompensation tardif à la moindre faille qui surviendrait.
Vers une reconstruction authentique
La reconnaissance de ces multiples dimensions des deuils ouvre la voie à une reconstruction plus harmonieuse, plus intégrée et plus consciente aussi. Mettre de la conscience sur ces différentes dynamiques permet aussi de comprendre son avancement, ses progrès, et le chemin qui reste à parcourir. Il est important d’accueillir chaque émotion comme partie intégrante du processus. Cette acceptation permet de transformer la douleur en opportunité de croissance.
Le temps comme allié
Claire Marin nous rappelle que chaque courbe suit son propre rythme. Certaines dimensions peuvent se résoudre rapidement tandis que d’autres nécessitent plus de temps. Cette compréhension nous invite à la patience et l’indulgence envers nous-mêmes.
Pour aller plus loin
Idéalement, mieux vaut ne pas se débattre seul avec tout ceci si c’est trop lourd, trop confus et si vous ressentez que cela vous freine de façon démesurée. L’accompagnement prend tout son sens dans cette approche multidimensionnelle pour :
- Identifier les différentes courbes de deuil à l’œuvre
- Comprendre leurs interactions
- Développer des stratégies adaptées à chaque dimension
- Transformer la douleur en opportunité de croissance
Comprendre le deuil comme un processus à tiroirs nous permet d’aborder nos ruptures avec plus de conscience et de compassion envers nous-mêmes. Cette approche nuancée offre un cadre plus adapté pour comprendre et traverser ces moments de transformation profonde.
Deuil et reconstruction : deux trajectoires parallèles
Premier témoignage : La fuite en avant
« Je ne pouvais pas rester seul. Un mois après la décision de séparation, j’étais déjà dans une nouvelle relation. J’avais besoin d’avancer comme ça pour me reconstruire… »
Analyse psychologique
Ce comportement illustre parfaitement la première courbe du deuil décrite précédemment. La personne évite la confrontation avec la perte en se projetant immédiatement dans une nouvelle relation. Cette fuite en avant révèle plusieurs mécanismes :
- Évitement de la douleur : La nouvelle relation agit comme un pansement émotionnel, masquant temporairement la blessure de la rupture.
- Déni du deuil : en construisant une nouvelle histoire, il maintient une forme d’illusion de continuité.
- Compensation narcissique : La recherche rapide d’une nouvelle relation peut traduire un besoin de maintenir une image de soi positive et désirable, une dépendance affective où on n’existe qu’à travers l’autre.
Cette stratégie, bien que temporairement efficace pour gérer l’angoisse de la solitude, risque de compromettre un véritable processus de deuil et de répéter des schémas relationnels non résolus. Certains vivent toute leur vie comme ça sans encombre, en étant déconnecté de leurs émotions profondes, toujours présentes et aux commandes de l’inconscient. Le pouvoir personnel est centré sur l’action de fuite (vers une construction extérieure) au détriment toutefois de la construction du Soi. La croyance sous-jacente peut être par exemple « si je me montre sous mon meilleur jour à l’extérieur, cela montre que je suis une personne de valeur ». Si l’extérieur s’effondre en revanche, ce qui a été enfoui peut ressurgir violemment.
Second témoignage : L’acceptation consciente
« J’avais commencé mon deuil de la relation avant la décision de rupture. Annoncer la rupture c’est déjà l’accepter en quelque sorte. Je me voyais m’éteindre dans cette relation. Mais voir qu’il pouvait me remplacer si vite m’a blessée. J’y ai vu un manque de respect de notre relation. Cela a remis en question tout ce que je croyais de notre histoire et des sentiments qu’il prétendait avoir… »
Et oui, ce n’est pas contradictoire ! Cra justement il y a plusieurs courbes de deuil à traverser !
Analyse psychologique
Cette trajectoire illustre une approche plus intégrée du deuil, mais non sans ses propres défis :
- Deuil anticipé : Le détachement émotionnel progressif avant la rupture a permis une première phase d’adaptation sur le cycle de deuil de la séparation. Celui qui quitte ou est quitté ne sont donc aps au même niveau de la courbe au moment de la décision de séparation. C’est d’ailleurs ce qui rend les séparations et la communication difficiles.
- Une séparation qui entraine le ressenti de trahison : La rapidité avec laquelle l’ex-partenaire reconstruit sa vie provoque une seconde blessure, remettant en question la valeur de l’histoire partagée, l’estime de soi, la notion de confiance et de respect. L’acte ici met en difficulté la progression sur la courbe de deuil de séparation car la personne revisite le passé au regard de ce comportement inédit. Elle doit alors feire le deuil aussi de la eprsonne qu’elle croyait connaitre, de la relation de respect entre eux, de ses attentes de réparation, etc.
- Perte multiple : Au-delà de la relation, la perte peut englober :
- L’environnement familier, si un déménagement est de mise
- Le réseau social, si les amis tournent le dos, prennent parti
- L’identité construite au sein du couple, s’il était un pilier fondateur
- La confiance en son jugement,
- etc.
Cette approche qui consiste à vivre les émotions et se onfronter à ce qui est difficile, bien que plus douloureuse à court terme, favorise une reconstruction plus authentique et durable, même si vu de l’extérieur, comme de l’intérieur, cela parait long, pénible, voire dévalorisant.
Les courbes du deuil en miroir
Ces deux parcours illustrent parfaitement comment nos différentes courbes du deuil peuvent s’entrecroiser et s’influencer mutuellement par ailleurs:
- Pour l’homme : La courbe de la séparation est évitée, celle des illusions perdues est reportée, tandis que la courbe de la reconstruction est artificiellement accélérée. Il surfe sur la courbe sans la vivre en profondeur et en conscience. Une bombe à retardement potentielle toutefois.
- Pour la femme : La courbe de la séparation était déjà amorcée, mais la courbe de la trahison vient compliquer le processus, tandis que la courbe de la reconstruction se fait plus lentement mais plus solidement.
Et bien entendu, au début de la séparation, les courbes de l’un et de l’autre interfèrent en plus ! Engendrant des dynamiques complexes et mobiles, dignes du triangle de Karpman (victime, sauveur, persécuteur). Il est aisé de comprendre pourquoi la communication semble perdue et impossible dans une telle confusion et cette asynchronie!
Ces exemples démontrent que le deuil n’est pas un processus uniforme, mais une constellation d’expériences qui s’entremêlent et se répondent, chacun y réagissant selon ses propres mécanismes de défense et son histoire personnelle.
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